photo: Pierre Dury
Ariane Moffatt. Quelle heure est-elle?
11-03-15
Le vidéoclip Debout
Le mois prochain Ariane Moffatt va avoir 36 ans. Il y a donc 13 années entre la Ariane de 23 ans qui lançait Aquanaute et celle d’aujourd’hui qui nous offre 22h22. Il est plus tard.
Elle est devenue une femme et une maman, en rupture avec le côté âpre de MA, son disque précédent. Elle est aussi passée par La Voix dans un rôle de faire-valoir où un vaste public, qui ne s’était pas vraiment intéressé à elle jusqu’alors, l’a aimée parce qu’elle était là.
22h22 a été conçu dans ce contexte : les années qui s’additionnent, les couches et les biberons des bébés et les braises refroidissantes d’une téléréalité.
Parlons d’un disque de transition.
Transposez le 22h22 du titre, très graphique et numérique, sur un cadran avec des aiguilles, ça vous donnera une image de la manière dont je reçois ce disque.
Pour moi, Ariane Moffatt n’est pas sur la coche comme elle l’a toujours été. Il y a quelque chose de flou, de moins affirmé. D’inquiet même. On dirait qu’après avoir flirté avec le mainstream à La Voix, elle a bataillé pour réintégrer son cocon artistique. Elle offre le spectacle d’une tête chercheuse qui cherche.
Les trois premières chansons du disque (22h22, Rêve, Nostalgie des jours qui tombent), minimalistes à l’os, manquent de chair mélodique. Il faut attendre l’énergique Debout pour que ça lève. Ensuite viennent les Tireurs fous qu’on dirait composée pour concourir à La Voix. Pas fou de ça. Sur Retourner en moi, (le titre n’est pas anodin) on retrouve l’efficacité d’Ariane Moffatt dans la fusion des mots, des beats et des effets de voix. Suit, Domenico, bel hommage sensible mais un peu convenu à cet itinérant du Mile End disparu récemment. De mort à vivant est une chanson entre deux eaux, un peu mortelle dans ses passages lents et vivifiante lorsqu’elle décolle. Ensuite destination Miami, LA toune ensoleillée du disque. Ariane enchaîne avec Matelots&frères, pièce instrumentale de deux minutes qui utilise la voix de ses boys. Jolie idée, mais pas aboutie. Dans le genre Dream Pop/New Age qu’Ariane Moffatt visait pour ce disque, la chanson Les deux cheminées est la plus réussie : délicate comme Poussière d’ange d’Aquanaute, célébration de la maternité quand ça arrive au bon moment. Une future classique! Le disque se termine sur Toute sa vie où se fait entendre le chœur des réseaux sociaux (Ariane avait demandé à ses fans de fournir un échantillon de voix). C’est très beau en dépit d’un échantillonnage de marimba surutilisé.
Voilà, j’ai fait le tour. Je l’avoue j’ai toujours trouvé cruel d’avoir à me prononcer rapidement sur un disque. Les jugements des critiques semblent bien définitifs comparativement au disque qui lui évolue avec le temps et encore davantage dans sa transposition sur scène.
Je suis persuadé que ce qui ne me convainc pas aujourd’hui sur 22h22 aura déjà pris une autre tournure lorsqu’Ariane Moffatt aura donné quelques spectacles. C’est une artiste qui ne cesse jamais de transformer sa matière. J’ai hâte de la voir sur scène à Montréal le 22 du 5 au Métropolis. Son heure sera la mienne...