photo: Pierre Dury
GUROV ET ANNA
20-03-15
Je reprends ici ma critique du film Gurov et Anna que j'avais publiée en septembre lors de sa première mondiale au Festival international du film de Busan en Corée.
Gurov et Anna sont deux personnages d’une nouvelle que l’écrivain russe Anton Tchekhov a publiée en 1899. Il y a eu plusieurs adaptions de cette histoire dont celle de Nikita Mikhalkov au cinéma sous le titre Les yeux noirs avec Marcello Mastroianni.
Le film qu’en a fait Rafaël Ouellet, sur un scénario de Celeste Parr, est une transposition libre et contemporaine qui se passe à Montréal dans le très bilingue quartier Mile-End.
Un prof d’université, obnubilé par le texte de Tchekhov, se retrouve à vivre le même dilemme que le Gurov de la nouvelle La dame au petit chien. Alors qu’il a une femme et deux petites filles, il tombe en amour avec une de ses étudiantes. Son drame c’est qu’il sait trop bien où cela va le mener. Tchekhov a déjà décrit ce genre de destin.
L’objet de son désir, c’est Mercedes, une jeune adulte un peu mélangée qui ne cherche pas à repousser ses avances, après tout, cette expérience avec un homme d’âge mûr pourrait nourrir ses velléités d’écrivaine.
Ce chassé-croisé amoureux est à des kilomètres de Camion, le film précédent de Rafaël Ouellet. On est dans une autre sorte de tourments du cœur.
Ouellet travaille à partir d’une partition qui ne vient pas de lui mais d’une jeune scénariste très fine dans son approche du trouble amoureux. Le réalisateur met ça en valeur à la manière d’un peintre. Il crée le climat par petites touches impressionnistes; des plans de caméra qui jouent sur la tension, une lumière qui sera chaude ou froide selon la circonstance et une direction d’acteurs avisée.
On parle beaucoup du talent de Sophie Desmarais mais ici il explose littéralement à l’écran dans ce rôle qui mélange l’ingénuité et la froideur calculatrice. Devant elle, l’acteur Andreas Apergis offre le spectacle troublant d’un homme laminé par cet amour insaisissable. Une découverte!
Un dernier mot sur Montréal qui est un personnage en soi dans ce film. Rafaël Ouellet l’a magnifiquement portée à l’écran en nous la présentant dans ses plus beaux atours d’hiver. La ville nous apparaît aussi avec sa vraie personnalité de ville bilingue.
Tchechkov n’aura jamais été aussi montréalais….
Je ne mets pas en ligne la bande-annonce parce que je trouve qu'elle trahit le ton du film.