photo: Pierre Dury
JACKIE
08-01-17
Avant le 11 septembre 2001, le 22 novembre 1963 était la date dont on se souvenait. Marquante. Comme un tournant. Je me souviens des funérailles. J’avais cinq ans. John John qui fait un salut militaire en culottes courtes. Le cercueil tiré par des chevaux. Jackie avec son voile noir. Tout ça, retransmis un dimanche après-midi, sur le poste de télévision du salon, en noir et blanc.
Quand je suis allé à Boston, j’ai voulu voir la bibliothèque JFK. À Washington, j’ai visité le cimetière où le 35e président des États-Unis repose à Arlington.
Inutile de vous dire que j’étais attiré par le film Jackie du Chilien Pablo Larrain. J’avais beaucoup aimé son NO sur le référendum chilien de 1988.
Je n’ai pas été déçu.
Jackie est librement inspiré d’une entrevue que la veuve de John F. Kennedy a accordée à Hyannis Port au journaliste Theodore H. White du magazine Life dans les jours suivants les funérailles de son mari.
À partir de cet entretien, le film échafaude une plongée dans la psyché de cette femme beaucoup plus complexe que l’image d’épouse parfaite qu’elle renvoyait.
Ce n’est pas une production américaine typique. Rien à voir avec le style Oliver Stone. L’approche est beaucoup plus impressionniste.
Dans une suite d’aller et retour qui font fi de la chronologie, Pablo Larrain esquisse la Jackie de l’ombre, une femme qui, malgré le choc traumatique et une grande solitude, trouve la force de donner à la fatalité une grandeur posthume. Le film évoque plusieurs décisions qu’elle aurait prises et qui ont contribué à faire de cette mort un moment historique par exemple cette marche funèbre dans les rues de Washington imposée aux dignitaires qui a tant marqué l’imaginaire.
L’intégration judicieuse d’images d’archives et la musique de Mica Levi, obsédante, participent au climat trouble de ce film où l’historique le dispute au fantasmagorique. Le concepteur des décors, le Français Jean Rabasse (on lui doit les décors des spectacles Cortéo, Love, Iris et Paramour du Cirque du Soleil) a recréé une Maison-Blanche plus vraie que nature dans laquelle la Première Dame déchue se promène comme un fantôme. Natalie Portman est tout à fait crédible dans son incarnation d’une femme forte en apparence mais intimement dévastée qui veut par-dessus tout que l’Histoire n’oublie pas la présidence de son mari.
En cette année du centenaire de John F. Kennedy (1917-1963), la Jackie du film de Pablo Larrain nous prouve qu’elle a réussi sa mission.
Je vous invite à lire l'article de Theodore H. White qui a inspiré le film Jackie. Il se trouve à la toute fin du numéro du 6 décembre 1963 du magazine Life aux pages 158 et 159, après les publicités de Noël!