photo: Pierre Dury
La plus précieuse de marchandises de Michel Hazanavicius
20-12-2024
Michel Hazanavicius, qui nous a donné les comédies OSS 117 et le fabuleux The Artist, gagnant de plusieurs Oscars en 2012, change totalement de registre avec son nouveau film. La plus précieuse des marchandises traite de la Shoah par le biais du cinéma d’animation.
Par un matin de tempête de neige, une pauvre femme demande à Dieu que le train de marchandises qui passe au milieu de sa forêt laisse tomber de son convoi un petit quelque chose qui comblerait sa faim. Contre toute attente, c’est un bébé emmailloté qu’elle trouve sur le bord de la voie ferrée.
La marchandise évoquée dans le titre de cette histoire inventée est donc un poupon abandonné par ses parents en route vers les camps de la mort d’Auschwitz.
Même si les mots nazi, juif, Shoah, génocide ne sont jamais prononcés, que la Deuxième Guerre mondiale n’est jamais nommée, ce film nous ramène indubitablement à ce sinistre moment de l’histoire.
Voilà donc une femme qui élève un enfant comme s’il était le sien, qui le fait envers et contre tous ceux qui, dans son entourage, veulent l’extermination de la race à laquelle appartient ce bébé. Même son mari bûcheron sera long à convaincre que cet enfant a un cœur qui bat.
Le film est inspiré d’un récit de Jean-Claude Grumberg, qui a participé à l’élaboration du scénario avec un Michel Hazanavicius très investi dans ce projet, puisqu’on lui doit aussi les dessins des personnages.
Pour Hazanavicius, descendant de juifs lithuaniens, il importait de revenir sur ce sombre épisode de l’histoire, pour en faire ressortir la lumière.
«La plus précieuse des marchandises n’est pas une histoire sur l’horreur ou sur les camps, ça transcende cela. C’est un mouvement des ténèbres vers la lumière, c’est une histoire lumineuse qui révèle ce que l’homme – et en premier lieu la femme – a de meilleur. C’est une pulsion de vie et si le film appelle à se souvenir de quelque chose ou de quelqu’un, c’est des Justes. Ces hommes et ces femmes qui ont sauvé des vies au péril de la leur. C’est eux que le film célèbre.»
Dans la défense de son film, Michel Hazanavicius insiste donc, à la manière de Leonard Cohen, sur la faille qui laisse poindre la lumière. Son récit n’en est pas moins sombre. Il faut savoir que certaines scènes sont extrêmement difficiles à supporter. L’animation, d’une tragique beauté, ne rend pas l’horreur plus facile à voir.
Heureusement, il y a le narrateur, la voix de Jean-Louis Trintignant, d’une grande magnanimité, pour nous élever au-dessus de la vilenie des hommes. Cette contribution au cinéma aura été sa dernière avant de mourir.