photo: Pierre Dury
La zone d'intérêt
28-01-2024
Le film commence.
Après le titre qui s’efface, suivent de longues secondes, plus d’une minute même, pendant lesquelles l’écran est gris. Si longuement que cela confère au malaise. Je n’arrêtais pas de me dire: ‘’mais, je ne vois rien’’.
Le réalisateur m’avait donc déjà pris en otage.
La zone d’intérêt, raconte la vie d’une famille allemande qui, au début des années 1940, vit une vie tout ce qu’il y a de plus normale à côté du camp d’Auschwitz.
La femme et les enfants du directeur du camp qui a envoyé à la mort des millions de juifs ne voient rien de ce qui se passe derrière le mur du jardin. Il y a certes les bruits et les odeurs, mais rien pour ébranler leur conviction que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Ce film, qui traite avec beaucoup d’efficacité des dangers de l’aveuglement collectif, est inspiré d’un roman de Martin Amis. Cet auteur britannique, décédé en mai dernier, s’est inspiré de l’histoire de Rudolph Höss, officier SS qui a dirigé activement le camp d’Auschwitz de 1940 à 1943 et de 1944 à la capitulation allemande. Il a été pendu après le procès de Nuremberg où il a avoué son implication dans la vaste entreprise génocidaire du régime nazi.
L’approche du réalisateur Jonathan Glazer permet de voir une autre facette de ce sombre complot.
Sa manière de filmer les protagonistes, à distance et de manière naturelle (les acteurs ne jouent pas pour la caméra, on les regarde vivre), donne beaucoup d’impact à son propos. Sans parler du travail minutieux apporté à la bande son. À part la fumée et le feu qui s’échappent de la cheminée, on ne voit rien des horreurs qui se passent de l’autre côté du mur du jardin. Seul les bruits nous parviennent, et ils agissent puissamment sur notre imagination. Tout comme la musique, glaçante.
Dans les rôles principaux, Christian Friedel et Sandra Hüller (la même actrice qu’on retrouve dans Anatomie d’une chute) sont désarmants de réalisme.
La zone d’intêret (formule utilisée par les nazis pour désigner la région d’Auschwitz) est en nomination pour l’Oscar du meilleur film étranger. Il a remporté le Grand Prix à Cannes en mai. Voilà deux excellentes raisons d’aller le voir.
Et pourquoi pas ce 27 janvier, qui est la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste.
Cette journée a été décrétée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2005.
Un visionnement spécial devrait être offert au gouvernement israélien.
Être le bourreau d’un peuple sera toujours condamnable.