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Maria: la vision onirique de Maria Callas par Pablo Larrain
11-12-2024

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De nouveau envoûté par le cinéma de Pablo Larrain.

J’ai vu au cinéma son Maria. Ce drame biographique inspiré de la vie de Maria Callas offre une plongée saisissante dans la psyché complexe d’une des cantatrices les plus adulées de l’histoire.

Je ne peux pas dire que je suis un fidèle de ce réalisateur d’origine chilienne. Même si à chaque fois je suis séduit par sa manière très onirique de raconter des histoires, c’est à saute-mouton que je parcours sa très prolifique contribution au cinéma, constellée de films à titres courts. J’ai vu No en 2012, Jackie en 2017, Spencer en 2021, mais je suis passé par-dessus El Club (2015), Neruda (2016), Ema (2019) et El Conde (2023).

Il y a bien sûr un lien entre Jackie, Spencer, et Maria. Voilà trois femmes qui ont été de leur vivant la cible de tous les regards, et seules à gérer dans leurs têtes cette intrusion aussi admirative que destructrice.  Dans la Presse, Manon Dumais cite le réalisateur :’’Je crois qu’il est impossible de raconter la vie de quelqu’un, que le drame biographique est en fait une fantaisie culturelle. Ce qui m’intéresse, c’est me pencher sur la vie de quelqu’un, plutôt un fragment de sa vie, afin de capter l’essence de sa personnalité. Je ne crois pas qu’un film, pas même celui-ci, puisse nous apprendre ce qu’a réellement été une personne.’’

Le film de Pablo Larrain n’est pas un biopic terre à terre comme Monsieur Aznavour par exemple. Comme il l’a fait pour Jackie et Spencer, le réalisateur a choisi la voie de l’allégorie pour évoquer la personnalité de son sujet, qui s’adonne cette fois-ci à être une Diva. Avec tout ce que cela peut comporter d’excès de personnalité.

Le récit  est campé en 1977 dans les jours précédents la mort de Maria Callas à l’âge de 53 ans. Nous sommes dans son appartement du 36 avenue Georges-Mandel dans le 16e arrondissement de Paris où veillent un majordome et une gouvernante qui s’accommodent de tous ses caprices.

La chanteuse songe à revenir sur scène. Dans les hallucinations que lui procure la flopée de médicaments qu’elle ingurgite, elle revit plusieurs moments de sa vie, de sa jeunesse douloureuse en Grèce aux triomphes qu’elle obtient sur les scènes des plus grands opéras du monde, en passant par sa cruelle histoire d’amour avec Aristote Onassis.

Les fans et les grands connaisseurs de La Callas ont une longueur d’avance sur les autres spectateurs. Ils savent tout de son histoire (naissance à New York, retour en Grèce pour y vivre sous l’égide d’une mère tyrannique, mariage avec son gérant Giovanni Battista Meneghini beaucoup plus âgé qu’elle, sa pause professionnelle pendant son idylle avec son tycoon grec qui n’aimait pas l’opéra, ses démêlés avec les journalistes, etc.), et ils connaissent par cœur le répertoire qui l’a rendue célèbre (La Traviata, Tosca, Anna Bolena, Otello, Madama Butterfly).

D’ailleurs, parmi les airs qui ont fait la notoriété de la soprano dramatique, le réalisateur a choisi ceux qui contribuaient le plus à faire progresser son histoire. Voilà un autre atout pour les abonnés d’opéra pour qui tout ça tient de l’évidence.

Pour les profanes comme moi, il manque dans le scénario beaucoup de faits et de détails historiques pour lier ensemble les morceaux du puzzle bien onirique que Pablo Larrain nous propose. Mais ce n’est pas grave, ça participe à nous immerger dans le même flou que celui dans lequel la Diva macère à la fin de sa vie.

 

On peut toujours se reprendre en faisant des recherches lorsqu’on revient à la maison. C’est ainsi que j’ai appris que Sophie Cecilia Kalos est bien née aux États-Unis le 2 décembre 1923, qu’elle est revenue en Grèce avec sa mère et sa sœur en 1937, et qu’elle a renoncé à sa citoyenneté américaine en 1966.

Venons-en à Angelina Jolie qui incarne l’imposant personnage dans les différents moments de sa vie : en gros plan lorsqu’elle épate la galerie dans les grandes salles d’opéra de la planète, d’un grand chic dans les réceptions mondaines où elle fait tourner les têtes, traquée dans la froideur d’une salle vide lorsqu’elle reprend contact  avec le chant, dans son grand appartement rempli de ses souvenirs.

J’ai mis du temps à être convaincu, car malgré des  mois à perfectionner l’art de faire du lypsync sur les meilleures pistes d’enregistrement de la voix de la grande chanteuse d’opéra, on sait très bien que ce n’est pas Angelina qui chante. Contrairement à Tahar Rahim qui nous bluffe totalement dans Monsieur Aznavour.  

Pour la ressemblance, j’ai aussi trouvé qu’Angelina Jolie, actrice reconnue pour ses lèvres généreuses, fait plus souvent penser à Sophia Loren qu’à Maria Callas. Surtout quand elle porte des lunettes. En fait, Céline Dion ressemble beaucoup plus à la Callas originale qu’Angelina Jolie. Ça c’est sans parler de leurs destinées (née pauvre, dotée d’une voix unique, mariée jeune à son gérant, carrière internationale, cible des journalistes, assaillie par des problèmes de voix au faîte de sa carrière). Je comprends pourquoi René Angélil souhaitait tant voir sa Diva incarner La Callas.

Mais encore une fois, je me rallie au choix du réalisateur quand il soutient qu’il fallait une icône qu’on croit connaitre, remplie de mystère, pour en incarner une autre. Dans un film plus en évocation qu’en volonté d’être une copie de la réalité, on réalise, plus l’histoire avance, que c’était finalement un bon choix.

Je me fie aussi au jugement d’un connaisseur. Alors qu’il agissait comme présentateur de la première New-Yorkaise du film, Yannick Nézet-Séguin a dit :

‘’Au nom de l’ensemble du milieu de l’opéra, je voudrais dire à toute l’équipe: MERCI!!! Angelina Jolie incarne Maria Callas avec subtilité et mystère. Pablo Larrain a créé un film qui nous plonge dans le monde de l’opéra de manière si puissante et respectueuse.’’

Angelina Jolie est soutenue par deux fabuleux acteurs italiens, Pierfrancesco Favino et Alba Rohrwacker, qui incarnent avec maestria l’ordinaire extraordinaire de la vie d’un butler et d’une cuisinière de star.  

Voilà donc une Américaine dans le rôle principal, entourée d’acteurs italiens (Valeria Golino la sœur de Maria), français (Vincent Macaigne en docteur Fontainbleau), turc (Haluk Bilginer en Onassis), danois (Caspar Philipson en JFK), australien (Kodi Smith-McPhee en journaliste ironiquement nommé Mandrax, comme le fameux barbiturique que Callas a beaucoup consommé ), grec (Aggelina Papadopoulou), au service d’un réalisateur chilien. Ajoutons à cela des producteurs venus de Rome (The Apartment), de Berlin (Komplizen Film),de Santiago (Fabula), de Londres (Fremantle), qui ont choisi de tourner principalement en studio à Budapest en Hongrie (en plus d’extérieurs à Paris et en Grèce), ça donne au final un générique époustouflant, aussi international que ne le fût la carrière de Maria Callas.

À voir en salle….évidemment.

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