photo: Pierre Dury
Retrouvailles à la Polyvalente de Hull
21-10-2024
Le soleil s’est couché samedi (19 octobre 2024) sur la Polyvalente de Hull, au propre comme au figuré.
La soirée de retrouvailles des anciens de cette école fermée il y a 50 ans (pour en faire à l’époque un centre de formation pour fonctionnaires fédéraux) passera à l’histoire comme étant le véritable chant du cygne de cette institution scolaire née de la cuisse du Rapport Parent.
50 ans après l’avoir acquis, le gouvernement fédéral revend l’édifice à Québec qui, lui, le démolira pour construire le futur hôpital de Gatineau.
Je vous parle ici d’un lieu qui a fait l’histoire du Québec et qui est appelé à disparaître.
En 1966, la Polyvalente de Hull est l’un des premiers campus étudiant conçu pour accueillir des milliers d’étudiants conséquence de la transformation du système d’éducation québécois.
Il y avait eu auparavant la Cité des Jeunes de Vaudreuil, projet initié par le ministre de l’Éducation Paul Gérin-Lajoie dans sa circonscription de Vaudreuil-Soulanges, et inauguré en 1964.
Celle de Hull empruntera le même modèle et le même nom: la Cité des Jeunes de Hull.
À l’émission Aujourd’hui l’histoire de Radio-Canada, Luc Noppen, professeur en études urbaines et du patrimoine à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), a déjà dit:
‘’On n’aurait jamais eu la Révolution tranquille qu’on a eue et le Québec inc. qu’on a connu sans les polyvalentes.’’
Cette démocratisation de l’enseignement est un des actes les plus importants de la Révolution Tranquille.
La rencontre d’anciens dans ce lieu en sursis était donc un moment très spécial.
Il y a bien sûr le plaisir de revoir des visages oubliés *, mais quel cadeau aussi de pouvoir circuler une dernière fois dans cet édifice à l’architecture si particulière.
Les longs corridors aux plafonds en bois qui mènent aux locaux de classe largement fenestrés, le fameux escalier (dans un édifice à un étage, faut l’faire!) ou les agoras aux toits cathédrales, personnellement c’était mes souvenirs les plus précis de la polyvalente.
Je me suis donc échappé du groupe pour remarcher dans mes pas dans ce labyrinthe aux multiples portes.
Après m’être embarré dans l’aile des gymnases où le béton domine, j’ai eu la chance d’être sauvé par Richard Dunn, un bon jack. Je le sais car j’avais son jumeau Glen, aussi fin, dans ma classe en secondaire 1 et 2 à l’école Sainte-Marie.
Ne reculant devant rien, j'ai poursuivi ma cavale avec d’autres intrépides menés par Denis Richard, un ancien qui a fréquenté la Poly pendant 4 ans. Il est descendu de Toronto spécialement pour l'événement.
Doté d’une mémoire d’éléphant, il a guidé notre petit groupe de têtes blanches, redevenus l'espace d'un instant des ados attardés On a erré, du bloc 100 au bloc 1100, à la redécouverte de nos classes de français, d’anglais, de géo, de chimie, etc…
La soirée des retrouvailles se passait quant à elle dans la cafétéria, décorée pour l’occasion de symboles de l’époque dont le fameux signe de PEACE, et de rappels des disques marquants de 1974, dont celui de Beau Dommage que j’avais critiqué dans le journal de l’école, La Lanterne, cette année-là.
Chacun avait son histoire, mais souvent le dénominateur commun c’était un prof ou un directeur. Même très âgés, plusieurs membres du corps professoral et de la direction nous ont fait la joie d’être présents.
Le fait saillant de la soirée a été l’apparition surprise de Joseph Candide Perreault, un professeur qui a enseigné à la Polyvalente de Hull, de son ouverture (en 66) à sa fermeture (en 74). L’homme est aujourd’hui âgé de 97 ans!
Très en verve, il nous a raconté comment il a dû composer avec la nouvelle réalité des polyvalentes avec des étudiants qui venaient d’aussi loin que Thurso, Masham ou le Pontiac.
Il lui est arrivé d’allonger quelques sous de sa poche pour payer à déjeuner à ceux qui partaient si tôt le matin en autobus jaune qu’ils n’avaient pas le temps de manger.
Les déplacements d’une classe à l’autre étaient si longs (le corridor fait un 1km), qu’iI offrait une récréation à ses élèves sur son temps d’enseignement. ‘’À condition qu’ils ne montent pas sur les bureaux!’’
Il nous a aussi raconté avoir été intraitable à l’égard des garçons qui se présentaient avec des chaînes à la taille ou ceux qui se pointaient en classe avec des patates frites cachées dans leur coat.
Il a terminé ça, sur un ton plus grave, avec l’histoire d’un élève suicidaire qu’il a sauvé des griffes de son père violent en faisant ce qu’on appelle aujourd’hui un signalement à une époque où la DPJ n’existait pas.
On lui a accordé une ovation debout!
Cette soirée, minutieusement organisée (chapeau aux organisateurs), a permis à chaque participant de renouer avec un passé qui, bien qu’il semble loin, n’a pas semé l’ado en nous, et qui n’est jamais loin derrière, comme l’a bien illustré Bado dans sa caricature créée pour être offerte parmi les prix de présence de la soirée.
* Permettez-moi ici d’être plus personnel et de nommer quelques personnes que j’ai retrouvées avec grand plaisir.
Par moments, j’avais l’impression d’être à des retrouvailles d’anciens de CKCH. Deux des organisateurs, Pierre D’Amour (qui a agi comme animateur de la soirée), et Luc Saint-Jean, qui s’est occupé des vidéos souvenirs et de la captation de l’événement, ces deux-là travaillaient à la station Télémédia de la rue Laval quand j’y ai commencé comme surnumétraire en 1976.
Il y avait aussi les anciens animateurs vedettes Pierre Olivier et Robert Meloche. Ce dernier m’a raconté être passé directement des classes de la poly aux studios de CKCH!
J’ai retrouvé ma chère Martyne Bourdeau avec qui j’étais au journal étudiant à la poly et l’année d’après à l’école Saint-Patrick, avec qui j’ai fait du théâtre au CÉGEP, et que j’ai retrouvée au service de l’information de Radio-Canada plus tard dans les années 1990.
Il y avait aussi plusieurs de mes anciens voisins, Robert Boisvert, Michael Power, Mario Gauvreau. Des collègues de classe qui ont fait leurs noms à Hull, l’entrepreneur Daniel Gauvreau, la notaire Sylvie Pichette, et la chorégraphe Sylvie Desrosiers avec qui j’ai eu beaucoup de plaisir à parler de son récent bon coup. Elle a convaincu BC Ballet de faire appel aux danseurs de sa compagnie pour augmenter les effectifs sur scène lors de la présentation du formidable spectacle Boléro X à Montréal et Ottawa ce mois-ci.
Quelle surprise aussi de revoir, 45 ans plus tard, Jean Charron, le chum de l’ancienne coloc de ma blonde quand elle s’est installée à Québec pour étudier à l’Université Laval. Il est toujours avec sa blonde….comme moi, ce qui donne quatre diplômés fidèles en amour!
J’ai d’ailleurs été assez surpris de constater en jasant avec les uns et les autres de voir qu’il y avait beaucoup de vieux couples!
Finalement, au souper, j’étais assis avec Suzanne Quesnel, la sœur de ma belle-sœur.
''Toutte est dans toutte'' comme disait Raoul Duguay, expression apparue en 1975, sur son premier disque Alllô Toulmond.
Quelle belle soirée mémorable!