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Et si on allait au Centre canadien d'architecture: Sur le terrain
24-04-2025

Depuis le début de l’année 2025, il y a un sujet récurrent dans mes déambulations en ville: la démolition. Et ça me rappelle mon adolescence!

 

Il y a au-delà de 50 ans, j’ai vécu plusieurs épisodes de destruction massive. Autour de moi, de grands pans de la vie urbaine de la ville de Hull tombaient sous le pic des démolisseurs: l’Hôtel de Ville, le palais de justice, l’église Notre-Dame, les maisons de la rue Maisonneuve, et ensuite celles du boulevard Laramée.

 

Au revoir les vieilles pierres, bonjour le progrès bétonné. 

 

J’ai l’impression de radoter quand je raconte ça, à l’évidence ça m’a stigmatisé.

 

Revenons à aujourd’hui. Ceux qui me suivent sur mes médias sociaux le savent, j’ai un intérêt pour le patrimoine qui disparaît.

Le basilaire de la Maison Radio-Canada, le site industriel de la brasserie Molson, l’hôpital Royal Victoria, le Da Giovanni, je suis stupéfait devant la rapidité avec laquelle on met à terre ces vestiges d’un passé glorieux.

 

Ce qui me rassure un peu, c’est  qu’on garde parfois le meilleur ou le plus symbolique et qu’on plannifie faire du neuf avec.

C’est dans cet esprit de curiosité que je suis allé voir le deuxième chapitre de l’exposition Sur le terrain qui nous amène cette fois à Berlin, dans le sillon de la firme d’architecture allemande b+. 

 

Cette firme a développé une initiative citoyenne destinée à encourager la rénovation plutôt que la démolition, allant même jusqu’à favoriser la requalification plutôt que de s’engager dans la construction de nouveaux bâtiments.

 

C’est assez pointu comme exposition, mais comme le proclame Phyllis Lambert à propos de son musée:

 

‘’Nous ne sommes pas un musée qui expose des objets et qui déclare : “Ceci est l’architecture.” Nous essayons de faire réfléchir les gens.’’

 

L’exposition est tout à fait dans cette optique.

 

Le parcours commence avec cette prémisse: ‘’à travers le monde, le secteur de la construction est responsable d’au moins 38% des émissions de carbone. Le fonctionnement de cette industrie est dicté par la quête de profits. Les bâtiments sont démolis et réaménagés en ne tenant pas vraiment compte de l’impact sur la communauté et l’environnement. Pendant ce temps, les crises du logement s’aggravent. Il est évident qu’un changement dans la manière dont nous construisons et valorisons notre environnement bâti s’impose de toute urgence.’’

 

Un des cas type qu’on nous présente concerne la transformation d’une ancienne usine de Berlin Est en bureaux, de quoi faire rêver tout Montréalais qui attend avec impatience la requalification du Silo no 5. 

 

On nous raconte comment la transformation des tours en béton de l’usine VEB Elektrokhole dans l’arrondissement Lichtenberg à Berlin n’intéressait personne du milieu de la finance, jusqu’au jour où les architectes de b+ ont eu l’idée de nommer leur projet San Gimignano Lichtenberg

 

Juste le fait d’associer leur concept aux tours médiévales de San Gimignano en Toscane a changé la donne.

 

Ces tours, érigées par les familles nobles de la place pour montrer leur richesse et leur pouvoir, devenaient tout à coup un modèle à imiter. Des siècles plus tard, les banquiers ont donc allongé les euros pour sauver ce patrimoine industriel de l’Allemagne de l’Est auquel on trouvait tout à coup une ressemblance avec ce joyau italien du patrimoine mondial de l’UNESCO.

 

Le résultat de la transformation de ces silos à charbon en bureaux est en effet très intéressant.

 

J’ai aimé entendre les architectes expliquer que l’absence d’ascenseur dans leur bureau en hauteur était un atout pour la forme physique de leurs employés. 

 

L’exposition se poursuit avec une autre lutte menée dans le même sens: le sauvetage du Mäusebunker, un autre édifice en béton de Berlin menacé de démolition.

 

Comme son nom allemand l’indique, le ‘’bunker des souris’’ est un laboratoire animalier construit en 1971 selon les principes de l’architecture brutaliste.

Des défenseurs du brutalisme ont fait la preuve que sa démolition serait extrêmement néfaste pour l’environnement, car elle libérerait 12 550 tonnes de CO2, en plus du transport des débris.

 

De haute lutte, l’édifice aux allures de tank a été préservé, et sert maintenant à des événements culturels. Le Festival für Urbanes Wohlergehen y a tenu ses activités en septembre 2024.

 

Galvanisé par cette victoire, b+ a piloté une opération citoyenne pour aller encore plus loin. Inscrire leur démarche dans la loi! De là le sous-titre du volet berlinois de l’exposition Sur le terrain: Bâtir des lois.

 

Ils ont donc mobilisé des milliers de personnes pour faire adopter une loi européenne accordant des incitatifs financiers aux promoteurs et constructeurs qui favorisaient la requalification plutôt que la démolition ou la construction neuve, une loi qui inclurait l’obligation de calculer dans les devis les coûts en CO2 de tout projet de démolition. 

 

Bref, quand on sort du CCA, il y a matière à réflexion sur ce qui se passe à Montréal en matière de requalification et de rénovation.

À cet effet, le Centre canadien d’architecture donne l’exemple. Le grand chantier de mise aux normes de son ‘’nouveau’’ bâtiment (construit à la fin des années 1980) sera fait dans les règles de l’art.

 

La gestionnaire du projet, Mariem Moutaouakkil, m’a expliqué par écrit à quoi on doit s’attendre durant les travaux, et on constate que les bottines de construction suivront les babines de la direction.

 

Mariyem Moutaouakki :

 

 ‘’Les fenêtres seront remplacées par des versions identiques, mais plus aptes à répondre aux contraintes climatiques. Les pierres grises de Saint-Marc-des-Carrières seront retirées, une par une, le temps de glisser une [nouvelle] isolation, puis remises à leur exact emplacement. Il ne s’agit pas de transformer [le bâtiment], mais de le renforcer : améliorer sa performance énergétique, assurer sa pérennité. Notre exposition Sur le terrain : Berlin entre en résonance directe avec les travaux en cours : prendre soin de l’existant.’’

 

Le Centre canadien d’architecture continuera ses activités durant les travaux. Le volet Berlin de l’événement Sur le terrain est à l’affiche jusqu’au 25 mai. 

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